MEDJUGORJE ou l'Euro-Mary-Land
Aux confins de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie, Medjugorje est un petit village émergé de nulle part où la Vierge apparaît depuis le 24 juin 1981, tous les jours à 17h40 exactement à quelques visionnaires élus du Ciel ou, plus probablement, victimes de phénomènes hallucinatoires concertés.
Ceci est mon témoignage, en photographies, de ce voyage surréaliste au pays du surnaturel, de la croyance aveugle, de la dévotion, du fétichisme, de l'idolâtrie, de l'incroyable crédulité humaine, exploités sans vergogne par des marchands du temple avisés.
Ce petit Lourdes Bosniaque n'a pas subi les atrocités de la guerre interethnique qui a ensanglanté le pays en 1992 ; une brève incursion à Mostar, ville martyre toute proche, m'a permis de ramener d'autres images moins angéliques !
LES VOYANTS
Le 24 juin 1981, six jeunes de Bijakovici, village proche de Medjugorge, prétendent avoir vu la Vierge Marie leur apparaître ; depuis lors, selon leur témoignage, elle leur rendrait visite tous les jours ! Vicka Ivankovic ,45 ans, et Ivan Dragicevic, 44 ans aujourd'hui, faisaient partie de cette troupe d'halllucinés et continuent, depuis, à raconter leur boniment à une foule de plus en plus nombreuse de pélerins. Le business façon Lourdes s'est installé et prolifère, manne providentielle dans ce coin perdu de Bosnie où survivait sur une terre ingrate une population ignorée du monde.
Vicka Ivankovic
Ivan Dragicevic
LES PELERINS
Ces dames se reposent, assises sur une tombe du cimetière.
LES PELERINS
Ces dames se reposent, assises sur une tombe du cimetière.
Un bon casse-croute car la journée d'un bon pélerin est longue ...
... et le soir on est sur les genoux !
Marie pleine de grasses !
Une petite pause ...
... et c'est reparti !
Chacun sa ... croix !
L'adoration
Contrairement aux apparences ces gens n'attendent pas pour accéder aux toilettes ou à la douche, mais simplement à confesse, une autre façon de se soulager ou de se laver.
La dernière mode à Medjugorge !
LA RESURRECTION
" De là, une allée mène au christ de la Résurrection, bronze imposant de 6 ou 7 mètres de haut érigé au centre d'une sorte d'agora où se presse une foule compacte dont le seul souci est de parvenir à effleurer quelques secondes avec un linge le mollet droit de la statue. Je me renseigne sur cette pratique idolâtre et je ne suis pas déçu : un liquide sourd de cette jambe que les pélerins n'ont de cesse de venir éponger avec des mouchoirs amenés là , parfois en quantité, talismans dérisoires à offrir au retour aux parents et aux amis. Au risque de me faire lyncher, j'ai presque envie de crier à ces pauvres innocents qu'une fissure dans le métal laisse probablement suinter de l'eau de condensation, la statue étant creuse, à moins qu'une main impie mais néanmoins pieuse n'emplisse discrètement d'eau la guibolle miraculeuse."
"Je m'aventure à parler de fétichisme au sujet de cette jambe qui "pleure" à quelques pélerins du groupe : j'ai tout faux ! D'après eux des analyses sérieuses auraient permis de déceler dans ces épanchements suspects des traces de sueur humaine et cela dit, sans rire, par des gens supposés normaux auprès de qui je vais vivre pendant une semaine ! "
BOUTIQUIERS DES VILLES, BOUTIQUIERS DES CHAMPS
RAYON QUINCAILLERIE
"Trop petite pour contenir tous les fidèles lors des messes , adorations et autres rosaires, des rangées de bancs s'alignent sur les côtés de l'église ; à l'arrière, c'est par centaines qu'en arcs de cercles les mêmes bancs font face à un énorme podium circulaire où sont concélébrées messes et cérémonies diverses : un véritable barnum de la foi !"
LE KRIZEVAC
Au sommet du Krizevac, montagnette qui domine Medjugorje, les paroissiens ont construit en 1933 à l'occasion du 1900ème anniversaire de la mort du Christ, une gigantesque croix lumineuse, terminus d'un chemin de croix que tout pélerin doit gravir en priant par un épouvantable sentier, tortueux et rocailleux à souhait !
"Je dépasse ou croise des groupes de pélerins, certains en bas, en chausettes ou même carrément pieds nus, peut-être en signe de mortification : le rachat des péchés est probablement à ce prix pour ces masochistes de la foi."
L'ami Gérard est sur tous les fronts !
Pause chapelet
La croix sans la bannière !
"En arrivant au sommet la pluie est au rendez-vous ; parapluies et ponchos multicolores s'agitent autour du tumulus en béton qui supporte l'énorme croix au pied de laquelle sont déposés des messages, pliés ou roulés, voeux, prières, suppliques ou actions de grâce adressés aux divinités"
M O S T A R
"Le mercredi est jour de jeûne à Medjugorje, tout comme le vendredi "... au pain et à l'eau , une injonction de la Vierge et sage thérapie pour les innombrables obèses aperçus en ville, la fuite s'impose. Direction Mostar, capitale de l'Herzégovine et ville martyre à une trentaine de km au nord de Medjugorje".
"... le fameux pont qui enjambe la rivière Neretva, détruit en 1993 par l'artillerie croate, a été reconstruit à l'identique avec l'aide de l'Unesco et inauguré le 24 juillet 2004 ; depuis, les touristes ont envahi le périmètre historique et se pressent en grappes compactes sur ce pont mythique et dans l'unique ruelle bordée de boutiques à souvenirs".
"Cette ville qui a été le théâtre de sanglants combats intercommunautaires de 1991 à 1993 , porte encore, 16 ans après la fin des hostilités, les stigmates des luttes fraticides qui s'y sont déeoulées : immeubles en ruines, façades encore criblées d'impacts, bâtiments aux ouvertures béantes ou murées en attendant leur réhabilitation ou leur démolition ..."
" ... et partout des tombes éparses, des cimetières, là où l'on pouvait enterrer à la hâte en pleine guerilla urbaine, dans les squares, les jardins publics, sur la moindre placette, les terre-pleins, en cette année 1992 comme en témoignent les tombes et les stèles, de marbre, de pierre ou de bois pour les plus pauvres, marquées de la croix ou du croissant avec parfois un portrait".
Entente cordiale ou cohabitation forcée ? Les braises sont encore chaudes, le clocher et le minaret font illusion, la Neretva sépare toujours des communautés irréconciliables.
Une petite pause pour l'autoportrait de la joyeuse équipe avec l'inséparable Gérard et Céline, une pélerine convaincue.
Le pont vu par les graffiteurs.
Et des touristes qui eux aussi ignorent le jeûne !
Les toitures de la mosquée vues du haut du minaret.
Test de l'ami Gérard pour savoir si ce candidat en campagne électorale aura suffisamment de nez pour convaincre les électeurs.
Et un au revoir à Mostar avec le sourire de cette jolie mamie qui doit se souvenir des noires heures du conflit, sa fenêtre aussi !
Retour à Medjugorge où nos pélerins se sont inquiétés de notre disparition, mais, immergés dans leur bigoterie, Mostar et ses atrocités ne sont pas d'évidence leur préoccupation majeure : l'évènement du jour est le témoignage de Vicka, la voyante ; de santé fragile, elle parlera aux pélerins depuis sa maison à Bijakovici, petit hameau voisin.
En chemin, rencontre avec ce coq croate et sa timide compagne qu'il semble dissimuler aux yeux concupiscents de quelque aventureux congénère.
Maigre pitance pour cette paysanne qui survit en faisant commerce de quelques breloques ...
... et cette lépreuse qui mendie, faute d'avoir retrouvé ses mains malgré ses prières à la Gospa*
Déjà à bonne école !
Cette mamie n'en peut plus, mais espère peut-être retrouver ses jambes après avoir vu Vicka ; en attendant le miracle, je joue au bon Samaritain!
* Gospa :Vierge Marie en croate
VICKA LA VOYANTE
Après un long cheminement au milieu des vignes, nous parvenons à Bijakovici ; "vu le nombre de pélerins qui y convergent nous risquons de ne pas être les seuls , ce qui à l'arrivée se révèle tout à fait exact ; il y a probablement moins de monde dans le métro aux heures de pointe qu'ici, dans cette ruelle au bout de laquelle on aperçoit le lieu d'où va parler l'illustre témoin".
"Beaucoup de croates, servis les premiers, libèrent les meilleures places lorsque commencent les traductions et, peu à peu, la foule s'éclaircit ; vers 11h, la minorité française va enfin pouvoir écouter et surtout essayer de comprendre l'incompréhensible; la leçon est parfaitement récitée, traduite par soeur Maria. C'est toujours la même logorrhée, mêlanr bonnes paroles et menaces célestes que la Gospa confie à sa voyante lors de ses apparitions quotidiennes, pour la trasmettre aussitôt aux pauvres naïfs qui se pressent à chacune de ses prestations".
Vicka parle depuis plus de 2 heures, resservant inlassablement son discours traduit simultanément par soeur Maria et l'autre "assistante"à droite, sous l'étroite surveillance du mari, omniprésent lors des shows de sa voyante d'épouse.
Scène d'idolâtrie ordinaire.
LA COLLINE DES APPARITIONS (PODBRDO)
Ce lieu "essentiel" fait partie de Bijakovici ; c'est là qu'eurent lieu les soi-disant premières apparitions à six adolescents, dérangés ou affabulateurs, mais véritable providence qui, quelques années plus tard, allait mettre beaucoup de gras dans les assiettes des malins de toutes obédiences qui végétaient jusqu'alors sur ces terres ingrates et déhéritées.
A flanc de colline, dans la rocaille, une statue de la Gospa a été érigée et reçoit quotidiennement la visite de milliers de pélerins ; le dimanche et les jours de fête le rosaire y est récité par la paroisse de Bijakovici et attire la foule des grands jours. Mais rien de comparable aux apparitions nocturnes curieusement programmées le vendredi soir, la veille du départ des fournées de pélerins qui, pour la plupart, ne restent qu'un semaine.
"Jeudi, Gégé* nous explique qu'une grande faveur nous sera accordée demain soir : la Vierge a prévenu Ivan qu'elle lui apparaîtrait demain soir au Podbrdo, la bien nommée colline des apparitions ; les pélerins pourront assister à l'évènement à condition d'arriver de bonne heure car il risque d'y avoir du populo ; le groupe gobe la nouvelle sans tiquer une seconde [....] je pourrai ainsi sonder les abysses de la crédulité humaine !"
* Gégé, l'accompagnateur officiel du groupe.
L'APPARITION
"Il fait déjà nuit noire lorsque nous arrivonsà Bijakovici au pied du Podbrdo ; il y a foule évidemment comme pour un feu d'artifice du 14 juillet en France ! Nous commençons à monter au milieu d'une cohue qui nous porte littéralement ; de loin en loin des bornes lumineuses ne révèlent aucune des traîtrises des roches acérées qui constituent l'improbable chemin qui mène jusqu'au site.
Nous essayons de trouver une emplacement un peu à l'écart et qui domine le lieu supposé de l'apparition, probablement près de la statue éclairée, cernée par une multitude de têtes et de dos que l'on devine plutôt qu'on ne voit ; Ivan, levoyant, devrait être tout près, mais nul n'en aura la confirmation et il pourrait très bien être resté tranquillement chez lui devant sa télé sans que personne ne s'en aperçoive.
Une longue attente précède une annonce qui réclame en plusieurs langues le silence car la venue de Marie est imminente ; autour de nous les dos se courbent, se prosternent, les gens entrent en méditation et moi, je regarde la statue autour de laquelle une chauve-souris facétieuse virevolte, inconsciente du prodige qui fait battre tous ces coeurs, dans la nuit, sous la pluie qui commence à tomber ; serait-ce de l'eau bénite qu'enverrait la Madone pendant cet instant crucial où elle délivre son message mensuel ?
Soudain la sono reprend vie, la foule se relève, s'ébroue, ouvre les parapluies pour écouter le message de la Vierge diffusé langue après lanque : priez pour la paix dans le monde, faites pénitence, ouvrez votre coeur à Dieu, à moi-même votre Mère à tous, priez, priez, priez ...
Rideau, le spectacle est fini et il y a bousculade à la sortie ! Les roches savonnées par la pluie occasionnent quelques chutes sans gravité, Marie veille !
Je vous rassure, la conversion n'était pas au bout du chemin, mais, avant le retour, Gérard a souhaité ces images incongrues qui, lejour venu, m'accompagneront pour m'épargner les flammes éternelles !
Split, 13h, le samedi 16 septembre 2006, l'avion nous attend ... et j'ai très peur !